Entre les années 1980 et le début du XXIe siècle, l’industrie automobile européenne a connu de profondes mutations, révélatrices des défis technologiques, économiques et culturels de leur temps. Au cœur de cette révolution, la Renault 25 s’est imposée comme un modèle majeur, incarnant la volonté du constructeur français d’affirmer un positionnement haut de gamme capable de rivaliser avec les géants allemands comme BMW, Mercedes-Benz, Audi mais aussi avec des acteurs majeurs tels que Peugeot, Citroën, Volkswagen, Ford, Fiat et Opel. De sa conception avant-gardiste à sa capacité à influencer plusieurs générations de véhicules, la Renault 25 est bien plus qu’une simple berline ; elle est un manifeste d’innovation, de design et d’ambition.
Les innovations techniques et le design révolutionnaire de la Renault 25, une grande autoroutière des années 80
La Renault25 fut dévoilée en 1983 auprès des salariés de l’usine de Sandouville et mise en vente en 1984, marquant un tournant décisif dans le segment haut de gamme des berlines françaises. Elle succédait aux Renault 20 et 30 qui s’étaient écoulés à plus de 743 800 exemplaires. Face à la concurrence acharnée de Peugeot, Citroën, Volkswagen, et même des emblèmes germaniques BMW, Mercedes-Benz et Audi, Renault a choisi d’innover sur plusieurs plans pour se démarquer.
Le pari technique de la R25 fut impressionnant. Son moteur longitudinal, associé à un capot ouvrant vers l’arrière, était pensé pour faciliter l’accès aux organes mécaniques, une rareté dans la catégorie. Sa suspension à quatre roues indépendantes garantissait un confort tout à fait remarquable allié à une tenue de route de haut niveau, tandis que les freins à disques ventilés à l’avant, combinés avec le système ABS sur certaines versions, offraient une sécurité accrue. Le faible rayon de braquage, seulement 5,4 mètres entre trottoirs, traduisait également une maniabilité étonnante pour une voiture de grande taille.
Du point de vue aérodynamique, la Renault 25 excellait avec un coefficient de traînée (Cx) compris entre 0,28 et 0,33 selon les variantes, résultat d’une ligne fluide deux volumes et d’une bulle arrière lumineuse sur le hayon, véritable signature design. C’est l’œuvre d’un collectif artistique remarquable comprenant le grand styliste Robert Opron, Gaston Juchet, Jean-François Venet et l’intérieur conçu par Marcello Gandini. L’alliance de ces talents aboutit à une silhouette moderne, élégante et fonctionnelle, tranchant avec les standards classiques des années 70.
Les variantes moteurs démontraient également la diversité de la gamme pour répondre aux attentes des différents profils d’automobilistes. Les quatre cylindres essence à injection électronique et les puissants V6 PRV, bien que parfois gourmands, offraient des performances correctes pour l’époque. Une particularité notable fut la version V6 Turbo lancée en 1985, capable de développer jusqu’à 205 chevaux dans sa version Baccara, un moteur sophistiqué avec turbocompresseur et gestion électronique complexe pour l’époque.
Cette ambition technique se doublait d’une stratégie marketing subtile : Renault bénéficia de la visibilité présidentielle puisque dès 1981, la voiture fut adoptée par le Palais de l’Élysée, succédant au tout aussi emblématique Citroën CX. Le choix de la R25 pour symboliser une certaine modernité à la tête de l’État renforça indubitablement le positionnement premium de ce modèle face à la concurrence particulièrement féroce des Peugeot 505, Mercedes-Benz W124 ou BMW Série 5. Renault voulait une icône capable de concurrencer tous ces modèles et la 25, par son style et son équipement, s’inscrivait pleinement dans cette ambition.
La descendance directe : de la Renault Safrane à la Vel Satis, un héritage technique et stylistique majeur
La Renault Safrane, dévoilée en 1992, représente la première descendante directe de la Renault 25. Elle illustre le passage de témoin générationnel et l’adaptation aux nouvelles exigences du marché automobile à l’aube des années 90. La Safrane conserve l’esprit autoroutier mais affiche des proportions légèrement revues et un style plus consensuel, avec toujours ce souci d’ergonomie et de confort. Son empattement de 2,76 mètres pour une longueur autour de 4,73 à 4,77 mètres promettait une habitabilité toujours généreuse pour cette catégorie.
Sur le plan technique, la Safrane marque une rupture importante : tous les moteurs sont désormais implantés transversalement, et les technologies comme la climatisation régulée électroniquement, l’ABS ou l’airbag deviennent systématiques, témoignant de la montée en gamme qui se voulait plus technologique. La Safrane proposait également des versions luxueuses comme la Biturbo Quadra, avec transmission intégrale et un V6 bi-turbo faisant appel à des technologies allemandes réputées comme les turbocompresseurs KKK et une collaboration avec Hartge sur la préparation du moteur. Cette version haut de gamme symbolisait la quête de Renault d’atteindre un palier premium comparé aux offres déjà établis de BMW ou Mercedes-Benz.
Avec près de 313 000 véhicules produits, la Safrane s’impose comme une autoroutière française de référence, même si son succès commercial ne fut toutefois jamais à la hauteur des ambitions initiales. Les changements drastiques au sein de Renault dans les années 90, passant par une ouverture du capital et des partenariats très stratégiques comme avec Volvo ou Nissan, soulignent également le contexte économique dans lequel cette berline a évolué. La Safrane témoigne ainsi d’une époque marquée par des remaniements profonds, où la marque française tentait de sauvegarder son identité tout en flirtant avec une forme de modernité internationale.
Une aventure nord-américaine méconnue : la Renault 25 et son passage sous le nom Eagle Premier
Dans les années 1980, alors que Renault déploie ses efforts pour conquérir le marché européen, une aventure parallèle se joue outre-Atlantique. La Renault 25 sert d’inspiration à la conception de la Renault Premier, destinée au marché nord-américain. Conçue en collaboration avec Italdesign sous la houlette de Giorgetto Giugiaro, cette voiture se voulait adaptée aux exigences du public américain, avec une silhouette 4 portes, un empattement allongé à 2,69 mètres et une longueur totale proche de 4,9 mètres.
Cette voiture fut produite dans une usine spécifiquement bâtie à Bramalea, en Ontario (Canada), marquant la tentative de Renault de s’implanter solidement en Amérique du Nord. Equipée notamment d’un moteur 4 cylindres de 2,5 litres d’origine AMC/Jeep ou d’un V6 PRV de presque 3 litres, la Renault Premier combinait robustesse et sophistication mécanique. Elle permettait de rivaliser avec des modèles américains classiques, tout en proposant une touche européenne de sophistication. Néanmoins, cette incursion ne dura pas longtemps, en raison de la vente d’AMC à Chrysler en 1987 qui sonna la fin de la collaboration.
Seule une poignée d’exemplaires Renault Premier furent produits (environ 200), avant que le modèle ne soit rebaptisé Eagle Premier et poursuive sa carrière jusqu’en 1992. Il connut aussi une appellation Dodge Monaco entre 1990 et 1991. Malgré des ventes limitées en volume, la Premier (puis Eagle) reste un exemple fascinant d’une tentative européenne de pénétrer le marché américain avec un savoir-faire technique et une philosophie de design distincte. Cela contraste avec les stratégies plus traditionnelles des Ford et General Motors qui dominaient l’Amérique à cette époque.

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